Simon Brandt: «La Comédie devra prendre le risque de déplaire»

Candidat PLR au Conseil administratif, le Genevois Simon Brandt estime que le théâtre est un art foncièrement politique. La future scène alliée à la gare lui inspire une belle envolée

Ce n’est pas un avertissement mais un constat. Soit l’histoire d’une rencontre, puis d’un partenariat enregistré, faute de mariage, entre Madame de la Gare et Madame Comédie. L’avenir nous dira si celui-ci est fécond mais nul doute que ce rapprochement inédit fera parler de lui loin à la ronde.

A cet égard, réunir une gare où se croisent les individus et une Comédie où s’entrechoquent les âmes ne peut être que porteur d’un avenir aussi radieux que marquant. Mais n’est-ce d’ailleurs pas le propre du théâtre que d’être avant-gardiste ? Je prétends que oui. Et qu’il est d’autant plus nécessaire de donner les moyens à cette nouvelle Comédie de rayonner dans notre cité et au-delà. Chose qui va incomber au monde politique qui n’est en fait pas si différent de celui du théâtre.

Louis Jouvet à la barre

Pour étayer mon jugement, je pense tout à Louis Jouvet dans son livre Le Comédien désincarné : «Rien de plus futile, de plus faux, de plus vain, rien de plus nécessaire que le théâtre.» Mais aussi à William Shakespeare dans Hamlet : «Le théâtre a pour objet d’être le miroir de la nature, de montrer à la vertu ses propres traits, à l’infamie sa propre image, et au temps même sa forme et ses traits dans la personnification du passé.» Lesquelles maximes sont tout autant valables pour la politique, parfois même davantage malheureusement. Sachant aussi que si le théâtre peut dénoncer des injustices, le politique est là pour les résoudre. Et que le premier est aussi là pour le rappeler au second.

Toutes ces raisons font que le théâtre est foncièrement politique, d’abord parce qu’il possède des coulisses mais aussi et surtout parce qu’il est l’art de la représentation par excellence, parfois d’un drame, souvent d’une comédie et tantôt lyrique mais toujours représentatif de son époque. Il reste aussi ce qu’il est depuis sa création par les Grecs, un lieu qui interroge la cité, un miroir de celle-ci qui nous ramène la quintessence de nos préoccupations et de nos interrogations en tout genre.

La leçon de Beaumarchais

Pour autant que nous soyons prêt à nous y confronter. Souvenons-nous ainsi de Beaumarchais qui écrivait dans Le Mariage de Figaro: «Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur.» Chose que beaucoup de politiciens oublient lorsqu’il s’agit de se remettre en question. Et de revenir au théâtre et à la Nouvelle Comédie tant c’est le principal écueil qu’elle devra éviter, soit de ne pas avoir peur de déplaire au pouvoir et d’être à l’écoute de la scène culturelle locale comme de son public.

Ainsi, si je devais émettre un souhait personnel, je rêverais d’y voir rejouer prochainement l’adaptation théâtrale des Bijoux de la Castafiore, produit naguère par le Théâtre Am Stram  Gram, et repris quelques saisons plus tard au Théâtre de Carouge – deux gares séparent cette scène de la Comédie. Je rêverais encore de passer du théâtre de boulevard au théâtre de gare en imaginant une pièce qui démarrerait à la nouvelle Comédie, se poursuivrait dans le Léman Express et se finirait au Théâtre de Carouge.

Voilà ma vision du théâtre comme de la politique, faire preuve d’audace et de créativité. Et tout le mal que je souhaite à la nouvelle Comédie. Du «Quai des Brumes» au lever de rideau, je n’aurais qu’une seule chose à lui dire : merde* !

 

*1 Cette expression daterait de l’époque où les spectateurs se faisaient déposer en calèche devant l’entrée, halte au cours de laquelle les chevaux ne manquaient pas de garnir de leur crottin le parvis du théâtre. Cette « garniture » étant directement proportionnelle au nombre de spectateurs, c’était faire preuve de bienveillance que de souhaiter « beaucoup de merdes » aux artistes2.