Vie secrète du chantier, épisode 16

La chambre noire de nos futurs plaisirs. Eddy Mottaz a saisi l’une des deux salles dans ses habits de travail, à cinq mois de l’inauguration

Un théâtre évoque toujours l’océan. Les machinistes sont des marins: ils tirent des ficelles – surtout ne jamais parler en coulisse de «corde», mot qui porte malheur. N’est-elle pas réservée aux renégats et aux mutins, c’est-à-dire au gibier de potence? Les acteurs hissent les voiles de la fiction. Le metteur en scène tient le gouvernail. Les spectateurs, eux, voguent, comme les passagers, bercés par le roulis, désarçonnés parfois par une vague furieuse.

C’est cette analogie entre la scène et la mer que notre photographe Eddy Mottaz réactive à travers une série de photos saisissantes, prises au mois de juillet.Voyez celle-ci. Une bâche en plastique flotte devant le gradin noir. Elle paraît soulevée par un vent d’orage, celui peut-être qui entraîne le naufrage des ennemis de Prospero le magicien, au début de «La Tempête» de Shakespeare.

Cette voile transparente suggère les contours de la caravelle, comme un préliminaire avant l’embarquement. Le navire attend les femmes et les hommes qui lui donneront son cap. Eddy Mottaz nous parle de cela: d’un mouvement en devenir. Un désir de révélation en somme, comme dans la chambre noire du photographe.