Le chantier entre de bonnes mains, épisode 17

Pedro, le plâtrier de la future Comédie, est un athlète de la «taloche». Ses gestes, précis et élégants, sont ceux d’un danseur contemporain, s’enthousiasme le photographe Niels Ackermann

D’abord il y a ce bruit, obstiné, qui recouvre tout, même la voix de Christine and the Queens qui passait tout à l’heure dans le transistor. Ensuite, il y a ce corps de danseur qui se replie comme le puma au pied de l’arbre et se détend, face au mur, obéissant à la loi de la spatule et de la matière.

Ce matin-là, Pedro aplanit le mur d’une cage d’escalier de la Comédie des Eaux-Vives. On a pu voir au précédent épisode sa panoplie: le seau où repose le plâtre, la «taloche» qui servira à l’étendre. Le reste, c’est-à-dire l’essentiel, est affaire de force, de concentration, d’attention maniaque à la faille.

Surtout ne pas laisser de lézarde! Pedro est à 35 ans un plâtrier chevronné. Il lissera la paroi jusqu’à ce qu’elle soit parfaitement plane. Entre deux assauts, il se confie à Niels Ackermann. Les semaines de confinement ont été perturbantes. Il habite en France, mais a dû s’établir chez des amis à Genève, pour pouvoir rendre visite à son fils. «J’avais peur que les douaniers m’empêchent de revenir en Suisse.»

On devine que la reprise du travail a été libératrice. Il a fait l’autre jour connaissance avec cette nouvelle Comédie. Et il a été soufflé par la taille du théâtre. Un paquebot à quai. Pedro se réjouit de le voir prendre le large. Il s’est promis d’y venir avec son fils.

Christine and the Queens scande l’époque dans le transistor. Pedro a repris son ballet, sa gestuelle de danseur contemporain, note Niels Ackermann. Personne n’y fera attention, constate-t-il. Mais il tient à être à la hauteur de sa réputation. Ainsi font les chevaliers de la taloche.