La fabuleuse histoire de la Comédie en bande dessinée

Tout l’été, de jeunes dessinateurs de la HEAD dérouleront la légende du bâtiment du boulevard des Philosophes. La Genevoise Léonie Courbat lève le rideau en beauté

Où qu’il soit, Ernest Fournier doit applaudir cette audace. Ce printemps, une trentaine d’étudiants de la HEAD à Genève ont planché sur l’histoire de sa Comédie, celle qu’il a fondée en 1913. Sous la direction de Nadia Raviscioni, dessinatrice et professeure généreuse, ils se sont approprié plus d’un siècle de tirades politiques, d’apartés mélodramatiques, de débâcles financières , de renaissances impromptues.

Bibis et hauts-de-forme en fête

La matière leur était sacrément étrangère. Aucun d’entre eux n’avait entendu parler d’Ernest Fournier, ce comédien et metteur en scène genevois qui a su mobiliser des fortunes locales pour que son rêve de scène voie la lumière, le 24 janvier 1913. Ce soir-là, haut-de-forme, aigrettes et bibis se bousculaient, boulevard des Philosophes, au pied des trois masques de pierre de la façade.

Aucun de ces talents juvéniles ne connaissait non plus l’existence d’ Henry Baudin, l’architecte qui a dessiné les plans de ce temple dramatique, censé faire de l’ombre – juste un peu – au voisin de la place de Neuve, l’orgueilleux Grand Théâtre, et à ses walkyries tumultueuses.

Bref, ils ignoraient tout de cette saga culturelle et artistique, où se sont illustrés le Français Maurice Jacquelin, patron de la maison à partir de 1939; André Talmès, son successeur dès 1959; Richard Vachoux, cet acteur poète qui mit fin, dès 1974, à l’omnipotence des vedettes parisiennes sur les planches des Philosophes.

Une traversée en six épisodes

Cette terra incognita, ils l’ont défrichée avec un culot et une insouciance de candide. Ils sont tombés ainsi sur les moustaches de Benno Besson l’enchanteur qui, à partir de 1982, donna des ailes à la maison grâce à un extraordinaire Oiseau vert. Ils se sont laissé séduire par Claude Stratz, cet esthète farouche qui, entre 1989 et 1999, a initié des milliers de spectateurs à la beauté du jeu. Ils ont découvert l’oriflamme d’Anne Bisang qui a voulu que la Comédie répercute les grands débats qui remodèlent une société.

En guise de main courante, nous leur avons exposé, Christine Ferrier, responsable des relations extérieures à la Comédie, et moi-même, une histoire succinte de l’institution, découpée en six épisodes.

Huit lauréats

Nadia Raviscioni a fixé ensuite le cap, avec le doigté, la clarté et le talent qui la caractérisent. Chaque étudiant s’est emparé de trois épisodes, autant de scénarios et de strips en puissance. La documentation était légère: un synopsis et des images choisies par nos soins.

Leur confinement fut dès lors studieux. Fin mai, nous découvrions leurs travaux. Nous avons choisi huit lauréats. Ce sont leurs oeuvres, leurs partis pris toujours surprenants, drôles parfois, qui vous accompagneront tout au long de l’été, histoire de saluer, avec la malice de Sganarelle, une maison peuplée de merveilleux personnages.

Car ce feu d’artifice graphique est un au revoir à un bâtiment promis à un autre destin, quand les équipes actuelles auront définitivement migré aux Eaux-Vives. La Genevoise Léonie Courbat lance le feuilleton. On admire l’assurance de son trait, son plaisir théâtral de ménager la chute. Elle ressuscite, en rouge et noir, la soirée d’inauguration de la Comédie. Ernest Fournier est le héros de la pièce. Où qu’il soit, il applaudit la performance.