Vie secrète du chantier, épisode 14

Et si c’était le décor d’un futur spectacle? Dans les coulisses du chantier, notre photographe Eddy Mottaz met en lumière les jeux du hasard et de la matière

Quel est cet assemblage bizarre qui a retenu l’attention d’ Eddy Mottaz dans un couloir de la future Comédie? Et pourquoi cette image nous trouble-t-elle?

La bizarrerie de cette vision tient d’abord à l’ordre énigmatique qui commande la présence de ces accessoires, matériaux divers et machines. S’il est impossible à l’oeil non expert d’identifier la fonction de ces éléments, ils n’en paraissent pas moins liés par une dramaturgie. Des ouvriers les ont placés ici dans un but qui nous échappe. On peut dès lors rêver longuement sur ce dispositif.

Une bête mystérieuse

On peut imaginer que le gros tuyau noir qui traverse l’air est le tentacule d’un calmar géant, caché hors champ. Va-t-il gober sa nourriture? Au second plan, devant l’ armoire, des palettes superposées évoquent un jeu de construction, le Jenga et ses pièces légères, par exemple, qui s’amusent des lois de la gravité. Leur couleur orangée fait écho à la machine qui somnole au premier plan – dans la diagonale.

Fantasmagorie

Le caractère fantasmagorique de l’image est encore accentué par le rideau plastifié qui détermine non seulement l’espace, mais une autre scène. Voyez ses reflets bleu clair et blanchâtres: ils suggèrent un plein air. Le ciel s’invite dans la cale du bâtiment. Dans les plis de cette transparence, les frontières de l’intérieur et du dehors se diluent, comme subverties par un courant de lumière. Cette dispersion hasardeuse de la clarté tient lieu de principe d’incertitude: elle fait la beauté théâtrale de cette image.