Dormir au théâtre, un luxe enfantin

A notre invitation, Gabriel de Montmollin, directeur du Musée international de la Réforme à Genève, prend la plume. Il espère que la future Comédie se dotera de fauteuils étriqués, ceux qui selon lui favorisent Morphée

Je fais partie de cette petite catégorie de spectateurs qui s’assoupit systématiquement au concert, au théâtre ou au cinéma. L’intérêt ou l’horaire du spectacle n’ont rien à voir. Dès que les lumières de la salle s’éteignent et que les conversations s’interrompent, une torpeur irrésistible s’empare de moi.

En général, je m’endors complètement après quarante-cinq minutes. A force, j’ai appris à ne pas tomber sur mes voisins et une espèce d’ange gardien prévient mes ronflements. Seuls les mangeurs de pop corn au cinéma sont capables de prolonger ma veille, mais mes agacements provoqués par leur mastication me distraient aussi sûrement du spectacle que ma profonde somnolence. Ce qui revient au même en termes de gaspillage. Je ne profite en général que de la moitié des spectacles.

Attention flottante

Je suis toujours un peu déçu, et forcément gêné car mon comportement peut laisser penser que les acteurs ou l’auteur d’une pièce m’ennuient à mourir. Quand je suis en veille au théâtre, je capte davantage les dialogues que les mouvements. Je peine à m’exprimer sur la mise en scène qui ne fait jamais débat chez moi, et si, par convention sociale, je prends position lors des commentaires d’après spectacle, je suis le plus souvent d’accord avec le dernier qui a parlé. Je suis sensible d’abord à la construction argumentative de la pièce. A la construction des dialogues, à ce qui permet de restituer quelque chose comme une spontanéité du parler ou au polissage littéraire d’une intrigue très construite.

Je suis assez sensible aux théories qui posent qu’une pièce de théâtre reproduit le fonctionnement du mythe religieux où l’on se rejoue indéfiniment comment tout commence et pourquoi tout finit. En ce sens, je crois que le spectateur doit pouvoir percevoir l’unité narrative de la pièce sans être perturbé. Mais cela n’induit rien des choix de mise en scène. J’ai été subjugué par l’adaptation de L’Idiot de Dostoïevski que Vincent Macaigne a réalisée au Théâtre de Vidy en 2016. Les dialogues ont paradoxalement été servis par une scénographie particulièrement déjantée. Le système a parfaitement fonctionné.

Position foetale et accouchement

Je ne suis pas un fou de théâtre, mais je me réjouis beaucoup de la Nouvelle Comédie qui devrait être un outil favorisant une grande diversité de spectacles. J’espère que les amateurs de pièces courtes, comme moi, y trouveront leur compte et que le confort des sièges y sera meilleur qu’au boulevard des philosophe. Car paradoxalement, plus le fauteuil est étriqué plus on s’y endort rapidement. La position fœtale imposée par des espaces confinés engendre une torpeur quasi prénatale, renforcée par une obscurité chaude et un faux silence renvoyant aux souvenirs anesthésiants du bonheur amniotique. La renaissance de la comédie doit pour moi représenter un nouvel accouchement. Par le siège.

 

Gabriel de Montmollin