«Le canton pourrait financer la nouvelle Comédie»

Nouveau ministre cantonal de la Culture, Thierry Apothéloz estime que certaines grandes institutions devraient bénéficier d’un soutien du canton

Un chasse-spleen. L’arrivée de Thierry Apothéloz à la tête du ministère cantonal de la Culture suscite beaucoup d’espoirs du côté des acteurs culturels. Il aura certes beaucoup à faire avec son département de la Cohésion sociale. Mais il devrait avoir plus de temps que son prédécesseur, Anne Emery-Torracinta, à consacrer à la Culture.

«Je gère quelque 550 personnes, Anne Emery-Torracinta près de 10 000 à la tête du Département de l’instruction publique», faisait-il remarquer l’autre jour dans son bureau.

Les ambitions du magistrat socialiste? Définir en concertation avec les milieux concernés une politique culturelle pour le canton, comme il l’explique dans une interview au Temps (lire https://www.letemps.ch/culture/thierry-apotheloz-canton-pourrait-soutenir-grand-theatre-comedie) Et l’incarner devant le Grand Conseil, notamment afin d’obtenir à terme des crédits supplémentaires. Le magistrat envisage ainsi que le canton cofinance avec les communes les grandes institutions, dont le Grand Théâtre et la nouvelle Comédie.

 

Le Grand Conseil a fini par voter le crédit de construction de la Comédie à la gare des Eaux-Vives, soit quelque 45 millions. En contrepartie, la Ville a accepté de prendre en charge seule le financement de l’institution, à hauteur de 12,8 millions par an. Le canton pourrait-il contribuer au financement de la maison?

Sur le principe oui, si on estime que le canton doit soutenir les grandes institutions. Mais il faut d’abord définir précisément ce qu’on entend par cette notion. Le Grand Théâtre relève de cette catégorie, mais le Théâtre de Carouge peut-être aussi, comme la nouvelle Comédie à la gare des Eaux-Vives. Le critère, c’est le rayonnement : quelles sont les institutions qui font briller le canton, tourner les artistes à Genève, en Suisse, à l’étranger?

 

Comment convaincre les députés de la pertinence d’un soutien au Grand Théâtre et à la Comédie par exemple?

Je ne suis pas favorable à la cantonalisation du Grand Théâtre, mais j’estime qu’on peut financer certains programmes de cette institution qui favorisent l’accès à la culture. Pourquoi ne pas imaginer également que le canton finance le ballet, comme il participe déjà à l’OSR? Nous avons un rôle à jouer dans ce domaine. Même raisonnement pour la Comédie: nous pourrions soutenir des activités qui favorisent l’accès aux arts de la scène.

 

Que vous inspire la conjonction théâtre et gare dans le quartier des Eaux-Vives?

C’est une parfaite illustration du rôle central de la culture dans un canton aussi urbain que le nôtre. Quand une gare est construite, un développement massif suit. Des immeubles, des écoles, des crèches voient le jour. Souvent, le volet culturel est négligé. Le théâtre donnera une tout autre dimension à ce quartier.

 

Qu’attendez-vous d’un lieu comme cette nouvelle Comédie?

En tant que spectateur, j’espère être bousculé, interpellé, comme je l’ai été en début de saison avec Julie’s Party. J’ai aimé me confronter à des visions contrastées de la Mademoiselle Julie de Strindberg, celle en noir et blanc de Luk Perceval, celle plus tendre du Portugais Tiago Rodrigues. J’attends que la Comédie me surprenne, attente que j’ai aussi au Théâtre de Carouge, où Jean Liermier s’attèle à renouveler la vision des classiques.

 

Et comme ministre de la culture?

Je suis évidemment fier du bâtiment que nous sommes en train de construire. Mais j’attends des artistes qu’ils aient aussi l’ambition d’en sortir. Natacha Koutchoumov et Denis Maillefer, qui codirigent la maison, sont sur cette ligne. J’ai cette même aspiration pour le Mamco et le Grand Théâtre. Il faut qu’ils quittent leurs murs pour développer des activités de proximité. J’avais été marqué par la façon dont le Centre Pompidou s’était installé à Marseille et Aix-en-Provence. Et par le projet de Christian Bernard, alors directeur du Mamco, qui avait monté un dispositif sur la place du Lignon. Les habitants étaient fiers de pouvoir approcher des oeuvres du Mamco. Même constat avec le Théâtre de Carouge quand il fait tourner, dans une roulotte, des spectacles dans les communes genevoises .

 

Développer une politique cantonale de la culture suppose des moyens. Or votre budget est modeste. Comment l’augmenter?

Il faut rétablir la confiance avant tout. Lors de la législature précédente, le Grand Conseil a reproché au Conseil d’Etat son manque de de vision. Le parlement est prêt à s’engager, mais il veut savoir pour quoi. J’entends clairement être le porteur d’une politique dans le domaine culturel. A partir de là, on peut espérer obtenir des crédits supplémentaires. Je suis prêt à me lancer dans cette bataille, aidé par la Ville de Genève et les communes.

 

Soutenez-vous l’initiative cantonale populaire constitutionnelle «Pour une politique culturelle cohérente à Genève», initiative lancée par les milieux culturels qui a abouti?

L’ambition de l’initiative est d’inscrire dans la Constitution le principe d’un dialogue entre les collectivités publiques et celui du cofinancement. Sur le premier volet, tout le monde se retrouvera. Sur le second, il pourrait y avoir des oppositions. Pour ma part, je crois à la force de la cogouvernance et du cofinancement. Je suis partisan du partage des pouvoirs. J’ambitionne à cet égard de créer un fonds cantonal d’aide à la création et à la diffusion.