Charles Beer: «La Comédie, point névralgique de l’agglomération»

L’emplacement du théâtre est un atout extraordinaire, estime l’ancien Conseiller d’Etat genevois. Il contribuera à donner un sens au Grand Genève. A notre invitation, le président de Pro Helvetia décline ses vues

Les villes changent de nature. Genève n’échappe pas à cette évolution. L’étalement urbain issu de la pression démographique a pour premier effet d’engendrer une continuité urbaine, de Nyon à Thonon, de Gex à Bonneville, en passant par Bellegarde. Genève est devenue le Grand Genève, la ville a cédé le pas à l’urbain. La ville historique n’a pas disparu pour autant. Elle s’insère désormais dans un plus grand ensemble, une communauté de communes. Ou plutôt trois communautés de communes : les communes du district de Nyon, le pôle métropolitain du genevois français et l’Association des communes genevoises. Le Grand Genève est le résultat de cette évolution et des innombrables échanges transfrontaliers, dans les domaines de l’emploi, du logement, de la formation, de la santé, des prestations sociales, du sport, de la culture et des loisirs.

Un besoin de symboles forts

La croissance économique et démographique, comme l’étalement urbain, ne suffisent pourtant pas à rassembler, à donner du sens ou de la légitimité à ce phénomène. L’espace partagé par un million de personnes a besoin d’infrastructures publiques, de connexions et de symboles forts. Bâtiment sorti de terre dans le quartier des Eaux-Vives, dévolu à la culture, au théâtre et aux arts de la scène, la Comédie s’inscrit dans cette perspective. C’est aussi une de ses vocations. Commissaire de l’édition 2019 de la Triennale d’architecture de Lisbonne, Éric Lapierre déclare « en architecture 1+1 ne font jamais 2, mais 3, au minimum.»

Avec le nouvel édifice de la Comédie on devrait plutôt parler de 4, en raison de la multiplicité des symboles du projet. En quelques mois, ce ne sont donc pas moins de deux lieux de culture, avec le Pavillon de la danse, qui marqueront pour des décennies le paysage urbain, la vie culturelle et le devenir de l’agglomération. Sans oublier la future Cité de la Musique, la récente rénovation de l’Opéra et la reconstruction du Théâtre de Carouge qui s’achèvera bientôt.

Imposer une logique d’ouverture

A l’heure de la tentation du repli sur soi et sur l’Etat-nation et du retour aux frontières « dures », de la construction de murs et autres séparations, jusque dans les formes de subventionnement, la culture incarne un esprit de résistance. L’importance et le rôle de ses « temples » sont fondamentaux pour répondre aux défis de notre avenir, qui se conjugue à Genève avec celui de son agglomération.

L’emplacement de la Comédie, sur une des nouvelles gares du Léman Express, représente un atout extraordinaire pour son rayonnement et pour devenir un point névralgique de l’agglomération. A l’heure où la ville se reforme et se redessine, à l’heure où les mutations économiques sociales et politique posent des questions fondamentales de cohérence, la culture représente une opportunité de renforcer la cohésion sociale, donner du sens à ces mutations et imposer la logique de l’ouverture sur celle du repli.

Charles Beer, ancien Conseiller d’Etat, président de Pro Helvetia