Avec la nouvelle Comédie et la Cité de la musique, Genève change de dimension

A notre invitation, l’avocat Bruno Mégevand,  président de la Fondation pour la Cité de la musique, dessine la Genève culturelle de demain. Plaidoirie d’un  mélomane ardent

 

Evidemment que, lorsque on nous a contraints à déménager et quitter cette avenue de la Gare des Eaux-Vives où, depuis des décennies la société familiale dirigée par mon frère et spécialisée dans la vente de matériaux de construction sous l’enseigne LUCIEN MONTANT SA, déployait son activité, nous n’étions pas heureux du tout ! Finie l’atmosphère conviviale d’une petite structure commerciale urbaine, finis les apéros et déjeuners au Café des Voyageurs ou au Buffet, fini les habitants du quartier qui saluaient mon frère d’un tonitruant « Bonjour Monsieur Montant ! »….

Mais c’était là les regrets du cœur, ceux-là même que la raison nous incitait à écarter : enfin quoi, bien sûr qu’il est normal de déplacer une entreprise, PME genevoise (fût-elle centenaire), pour aménager la nouvelle gare de ce qui était alors le CEVA et la nouvelle Comédie. Naturellement que, sauf à vouloir figer artificiellement notre monde comme le revendiquent quelques esprits chagrins, il faut évoluer, et accepter de déplacer, démolir, rebâtir !

Et quelle aubaine au fond pour ce quartier qui vivra une transformation profonde, qu’elle soit politique, économique ou culturelle ! Quel magnifique projet qui allie les exigences de mobilité de notre temps, favorise le transport public dans un rayon international et propose dans le même temps cette coexistence superbe avec un pôle culturel majeur, qui sera le vaisseau amiral du théâtre à Genève et plus loin encore !

Comment ne pas faire le parallèle entre cette nouvelle Comédie et la future Cité de la Musique ? Certes la seconde est d’initiative privée. Et alors ? Elle ne s’est développée qu’en collaboration constante et transparente avec les autorités cantonales et communales qui la soutiennent unanimement. Et pourquoi faudrait-il jeter l’anathème sur ce groupe de personnes, d’abord amoureuses de leur ville et de leur canton, passionnées ensuite par l’art en général et la musique en particulier, d’avoir d’abord rêvé, puis décidé de faire en sorte que ce rêve ne reste pas une chimère et acceptent depuis cinq ans de déployer une activité immense en vue de construire la Cité de la Musique?

Beethoven et Mahler  à portée de tous

Ce projet ambitieux poursuit plusieurs buts : d’abord faire en sorte que notre Orchestre, l’Orchestre de la Suisse Romande qui vient de fêter le centenaire de son existence, puisse bénéficier de locaux adéquats et dignes du XXIème siècle pour travailler et aussi offrir sa musique au public genevois dans une nouvelle salle philharmonique de grande qualité et répondant aux standards actuels ; permettre ensuite à la Haute Ecole de Musique et ses 515 étudiants d’être regroupés en un seul lieu (contrairement aux 7 emplacements divers et inadaptés qui sont les siens à l’heure actuelle) ; enfin et surtout, permettre à tous les genevois, particulièrement ceux qui n’y ont pas accès pour de multiples raisons, de pouvoir bénéficier de l’ouverture sur Genève, sur la Suisse et la France voisine, de cette Cité de la Musique (ou maison des musiques) qui sera un lieu de vie, animé en permanence, implantée dans un parc aujourd’hui privé mais qui sera ouvert au public, aux familles aux jeunes et aux enfants.

La fougue de la jeunesse sur la place des Nations

L’ouverture de la Cité de la Musique sur la place des Nations va également, comme à la Gare des Eaux-Vives, transformer le quartier en profondeur, comme a commencé à le faire l’Opéra des Nations: cette Cité, grâce aux étudiants qui y suivront leur enseignement sera un lieu de vie et de jeunesse, laquelle cohabitera avec les musiciens professionnels de l’orchestre qui y sera en résidence ; commerces, cafés et restaurants complèteront l’ensemble, permettant ainsi à ce lieu emblématique de notre Ville, déserté il faut le dire dès 17h et le week-end, d’offrir à Genève un lieu vivant où la musique sera omniprésente et accessible au plus grand nombre. Elle permettra aussi de renforcer notre lien avec les organisations internationales, particulièrement l’ONU, et l’importante communauté qui y travaille et qui vit à Genève ou dans les environs.

L’éveil d’une belle endormie

Vaisseau amiral ai-je dit plus haut : du théâtre sur la rive gauche, de la musique sur la rive droite ! Quelle chance pour Genève, la belle endormie qui se réveille enfin, qui va offrir à ses habitants et son bassin de population, des émotions ineffables, provoquées par ce miracle qu’est la création artistique dont le secret, comme l’a admirablement décrit Stefan Zweig, est « cet instant indescriptible où finit la limitation terrestre imposée aux mortels que nous sommes et où commence l’éternité… ».

Bruno Mégevand

Président du Conseil de la Fondation pour la Cité de la Musique de Genève.