La réponse de notre quiz 6: “Eclatant soleil de l’injustice” de Walter Weideli

Fin mars 1968, le Genevois William Jacques monte la nouvelle pièce de l’auteur de «Banquier sans visage», pièce qui avait fait déjà scandale en 1964 au Grand Théâtre à Genève

Outre les résonances politiques du texte, son atmosphère policière très en vogue, son rythme brechtien, la pièce de Walter Weideli marque par sa scénographie. Celle-ci apparaît étroitement inspirée des principes qu’Adolphe Appia développa au début  du XXe, aux côtés du rythmicien Jaques-Dalcroze.

Le décor de Jean-Michel Bouchardy rompt en effet fortement avec la tradition qu’imposait le fondateur de la Comédie, Ernest Fournier. Celle de l’illusion descriptive offerte par la toile peinte, souvent en trompe-l’œil (dont certains, réalisés par le peintre Alexandre Matthey étaient particulièrement loués).

La critique évoquait alors parfois, du bout des lèvres, la plaisante décoration de scène dont l’auteur – souvent Lily Fournier – ne méritait pas mention dans le programme de scène. A l’exception de grands noms, tel Louis Molina officiant au Grand-Théâtre. Etaient par contre listés en dernière page les fournisseurs attitrés des meubles, tentures et toilettes des premiers rôles.

Se cramponnant au classicisme, la Comédie ignorait les expérimentations contemporaines, notamment celles du Théâtre du Nouveau-Colombier de Jacques Copeau.

L’énergie contestataire des années 60 a cependant investi l’institution. « Mon théâtre, par sa rapidité, sa mobilité, appelle une architecture. Le décor est une machine à jouer, élabore Walter Weideli, à propos de ses pièces. Il se place ainsi dans la droite ligne d’Appia, pour qui la hiérarchie théâtrale s’articule depuis le texte dramatique et l’acteur.

La scénographie sert ainsi à créer un espace en trois dimensions dans lequel évolue le corps en trois dimensions des acteurs. Les espaces construits en volume, fonctionnels et transformables, l’escalier, la lumière composent son vocabulaire scénique de prédilection.

Son application dans l’Eclatant soleil de l’injustice relève presque du cas d’école, à l’instar de l’ensemble de cubes distribués par un escalier à double volée que crée Anna Popek en 2006…

… pour les débuts de Mathieu Bertholet sur la grande scène de la Comédie.

Camille Bozonnet, curatrice de l’exposition “(Re)visiter la Comédie”

Photos 1 et 2: Frank Henri Jullien, ©Bibliothèque de Genève
Photo 3: ©Carole Parodi