«La nouvelle Comédie devra s’ouvrir clairements aux ados»

Professeur de français au Cycle de la Gradelle, Jean-Marc Cuenet entraîne ses classes une vingtaine (!) de fois par an au théâtre. Profession de foi d’un passeur de flamme

Parler des attentes, des espoirs ou simplement des envies suscités par la nouvelle Comédie, est indéniablement pour moi évoquer un passé, autant familial – mes grands-parents ont acheté en 1939 une villa qui passe maintenant de génération en génération à l’avenue de la Gare des Eaux-Vives – que professionnel. Je faisais partie de la Fondation d’Art Dramatique, chapeautant Comédie et Théâtre de Poche quand les premières discussions autour du lieu de construction d’une nouvelle Comédie ont eu lieu. Je me souviens que l’on nous avait présenté, il y a une quinzaine d’années trois lieux potentiels : la pointe de la Jonction, la gare des Eaux-Vives, évidemment mais aussi l’Alhambra: en plein centre des rues basses. 

Mobilité douce, circulation des idées

Il paraît maintenant incroyablement incongru que cette option ait pu être évoquée alors qu’il semble si naturel et si évident qu’un théâtre ne doit pas seulement être un lieu d’art dramatique mais aussi s’inscrire dans une dynamique géographique, sociale et politique d’un quartier, d’une ville, d’une région.  La Voie verte qui y mène en est d’ailleurs un symbole et rappelle que la gare des Eaux-Vives sera un centre névralgique de mobilité douce mais aussi avec la nouvelle Comédie celui d’une circulation des idées. 

Un lieu qui fasse rêver

Parler des attentes, des espoirs ou simplement des envies suscités par la nouvelle Comédie, est indéniablement pour moi évoquer aussi un présent.  Comme «spectateur professionnel», j’attends du théâtre de la gare des Eaux-Vives qu’il soit un lieu qui fasse rêver, un lieu où l’on puisse rêver, mais aussi un lieu qui garde les deux pieds sur terre, qui enracine et qui s’enracine dans le réseau culturel genevois. Du Théâtre de Carouge au Théâtre Saint-Gervais en passant par l’ADC ou encore l’Alchimic. 

Vous aurez compris que je n’attends pas de la nouvelle Comédie un destin messianique venant sauver la vie culturelle de notre région, mais un théâtre majeur, évidemment, qui s’inscrive dans le tissu culturel éclectique, riche et varié du canton de Genève. Un lieu qui permette tout simplement de répondre aux besoins et aux défis artistiques du XXIème. Autant dans l’accueil du public que des spectacles. Un lieu qui ait les dimensions de nos ambitions. 

Enfin comme inlassable meneur d’élèves au théâtre, mon engagement d’enseignant me donne envie de rappeler à la nouvelle Comédie qu’elle doit s’ouvrir clairement aux adolescent.e.s et aux jeunes adultes. Je ne parle pas des enfants car nous avons la chance d’avoir le Théâtre Am Stram Gram et le Théâtre de marionnettes de Genève qui remplissent ce rôle admirablement. Mais bien des 13-19 ans qui, eux, peuvent «tout» voir  pour autant que nous les accompagnions : c’est le rôle de l’école naturellement mais aussi celui de ce nouveau bâtiment qui aura la chance de regrouper son outil de création.

Il faudra que l’on permette à nos élèves de suivre cette formidable «petite fabrique de théâtre», de visiter les ateliers, de suivre les processus de création, de rencontrer les acteurs et les actrices mais aussi les artisans de la scène et enfin de découvrir émerveillé.e.s les spectacles. 

Le canton devra financer la Comédie

C’est pourquoi j’espère avec conviction et confiance que le canton à travers l’Office cantonal de la Culture, qui dépend aujourd’hui du département de   Thierry Aporthéloz, aura à coeur de participer financièrement à l’aventure de ce qui doit être un outil culturel de premier plan.  Un lieu qui donnera envie à nos adolescent.e.s de comprendre le monde qui les entoure, de se poser moult questions, de trouver quelques réponses et de se projeter dans leur vie d’adulte. L’enjeu peut paraitre anodin pour certain.e.s, très partiel pour d’autres, mais pour l’enseignant que je suis, il est primordial. 

Le théâtre a un rôle central à jouer et la nouvelle Comédie doit en être l’expression.

Jean-Marc Cuenet