KO debout, les commerçants des Eaux-Vives veulent être indemnisés

Asphyxiés à cause des travaux, des restaurateurs et des commerçants se sont constitués en groupe: ils demandent des indemnités, mais les pouvoirs publics font la sourde oreille. Par Julie Eigenmann  

«Nous faisons vivre des familles, mais aujourd’hui nous ne sommes plus jamais certains d’arriver à verser  les salaires à la fin du mois. Nous devons par moments travailler avec un trou devant le magasin ou une pelle mécanique juste devant la porte». Vincent Ebiner est propriétaire du magasin de vélo électrique Easycycle.  Comme les autres commerces installés sur l’avenue de la gare des Eaux-Vives à Genève, il subit au quotidien le bruit, la poussière, une circulation routière altérée, et par conséquent, la baisse de fréquentation de son magasin.

La raison ?L’ immense chantier en cours (photographié ci-dessus par Niels Ackermann), celui qui accouchera, en 2020, de la nouvelle Comédie et de la future gare du CEVA, ou de son vrai nom le Leman Express. «Il n’y a plus de places de parking dans la rue, tous les clients qui venaient en voiture sont allés voir ailleurs», poursuit Vincent Ebiner.

«Ensemble, on aura peut-être plus de poids»

A quelques mètres d’Easycycle, le café des Voyageurs. Davide Lembo, son gérant, a vu sa clientèle diminuer de 50% depuis septembre et a été contraint de licencier deux personnes. Pour pouvoir s’en sortir, il comptait sur une demande d’indemnisation, envoyée en octobre dernier auprès du service de l’aménagement, du génie civil et de la mobilité de la Ville de Genève. Il s’était vu répondre qu’un dédommagement ne serait pas possible, les travaux étant d’utilité publique.

En février, Davide Lembo a réitéré sa demande. A la Ville de Genève à nouveau, mais aussi au Département des infrastructures du canton (DI), aux CFF et aux Services industriels de Genève (SIG). Et surtout, cette fois-ci, avec le poids de quatre autres commerces voisins sur cette rue, dont Easycycle. La demande était donc commune.  «On s’est dit qu’ensemble on aurait peut-être plus de poids», souligne Davide Lembo.  Ils n’ont pour l’instant pas reçu de réponse. «Je trouve dommage que nous devions nous plaindre pour espérer une aide, estime Vincent Ebiner. Mais j’ai bon espoir».

Les Services industriels n’entrent pas en matière

Rien n’annonce pourtant le dédommagement espéré. Manifestement, la situation n’est pas jugée exceptionnelle, tant par les SIG que par la Ville de Genève. «Nous avons reçu des demandes concernant les travaux dans les parages de la gare des Eaux-vives auxquelles nous avons répondu par la négative, réagit Isabelle Dupont Zamperini, directrice des relations publiques pour les SIG. Les SIG ne sont jamais entrés en matière sur les indemnisations pour des travaux sur le domaine public. Il faudrait des nuisances jugées excessives et exceptionnelles dans leur nature, leur durée et leur intensité».

La réponse surprenante de la Ville de Genève

La Ville de Genève répond pour sa part ne pas être en charge des travaux du CEVA en tant que tels, qui sont réalisés par les CFF. Anaïs Balabazan, chargée de communication au Département des constructions et de l’aménagement de la Ville, rappelle également que le paiement d’indemnités est subordonné à la réalisation de conditions très restrictives. Elle ajoute: « Le voisin d’un ouvrage public doit supporter les immixtions excessives temporaires liées à un chantier pendant un temps relativement long, et cela sans indemnisation».

Le défraiement n’est envisageable que dans les cas où les travaux causent un «dommage considérable». Baisse de la clientèle, bruit, places de parking supprimées, le chantier ne cause-il pas à ces commerçants un tort important?

«La Ville de Genève s’efforce de tout mettre en oeuvre pour que ses chantiers se déroulent dans les meilleurs conditions possibles pour les riverains», réplique Anaïs Balabazan. Elle mentionne aussi la création de vingt-six places de stationnements temporaires ainsi que d’une place de parking privative, pour favoriser la livraison des commerces.

Le canton sur la même ligne

Le Département des infrastructures (DI) du canton, sous la houlette du Conseiller d’Etat Serge Dal Busco, explique de son côté ne plus être concerné par ce chantier. «Les travaux en surface sur ce secteur qui impliquent la responsabilité du DI sont terminés depuis 2015, détaille son porte-parole Roland Godel. Les travaux restant de CEVA ne sont pas impactants pour le voisinage».

Contactés, les CFF, ou plus précisément le projet CEVA, renvoient quant à eux à la réponse du canton en répétant que « les travaux CEVA se sont déroulés dans l’enceinte du chantier et n’ont pas eu d’impact sur les accès ou la visibilité des commerces alentour». Autant dire que Vincent Ebiner, Davide Lembo et leurs confrères ne sont pas près d’être indemnisés.

                                                                                                                                     Julie Eigenmann