Claude Ratzé: «La Comédie et le Pavillon de la danse sont les fruits d’un même combat»

En 1987, Matthias Langhoff  imaginait la Comédie du futur. Directeur de La Bâtie-Festival de Genève, Claude Ratzé souligne l’impact de ce «Rapport» 

En 1987, j’étais étudiant à l’IES (Institut d’Étude sociale) à Genève. Je faisais alors un stage avec Anne Biéler dans le cadre d’un projet du Centre européen de la Culture. En guise de bienvenue, j’ai reçu « Le Rapport Langhoff, Projet pour le théâtre de la Comédie de Genève » qui venait tout juste de sortir aux Éditions Zoé. Je me souviens que sa lecture m’a passionné : documenté, précis, visionnaire, «Le Rapport Langhoff» nous faisait rêver tout en nous donnant des leçons de savoir-faire. Un vrai mode d’emploi qui a servi de modèle par la suite pour militer et porter les projets futurs. De la militance et de la persévérance, il en aura fallu, notamment pour la nouvelle Comédie et le Pavillon de la danse: tous deux auront mis près de trente ans pour s’ériger.

«Le Rapport Langhoff» au coeur des fondations

Je trouve très touchant de voir ces deux théâtres se construire parallèlement, qui plus est dans le même périmètre. Ils sont pour autant complètement différents : la Comédie plonge profondément sous terre et flirte avec le chemin de fer; elle a comme trois jolies tours qui lui donnent un profil crénelé. Près de 80 personnes vont y travailler, les décors vont s’y fabriquer, les artistes vont l’habiter et le public pourra la traverser de part en part. Ses moyens vont se déployer – on parle d’ailleurs au sujet de son passage du boulevard des Philosophes aux Eaux-Vives d’une « mutation », dans tous les sens du terme. «Le Rapport Langhoff» aura porté ses fruits – il est d’ailleurs justement enfoui dans ses fondations.

Pas de moyens supplémentaires pour le Pavillon de la danse

Le Pavillon de la danse, c’est toute autre chose. Léger, en bois, aérien et élégant, agile, car possiblement amovible, son profil se décline dans une vague qui évoque une multitude d’images – pour ma part, la trace d’un mouvement. À son sujet, on parle d’une « transition » de l’ADC, des Eaux-Vives à Sturm». Rien d’autre ne se déploie le concernant – ni moyens ni ressources supplémentaires. Je ne peux que constater que si la militance rassemble le théâtre et la danse sous la même enseigne, s’il a fallu à ces deux lieux le même temps de gestation politique pour se réaliser, on ne peut que remarquer que le théâtre est accompagné dans une « mutation » et la danse dans une « transition ». Les histoires sont autres, les missions aussi, comme les espaces de liberté des uns et des autres également, sans aucun doute.

Nouveau territoire artistique

L’ouverture de nouveaux outils culturels enfin adaptés à la réalité du spectacle vivant d’aujourd’hui marquera cette nouvelle décennie, car sont également très attendus dans la foulée, le nouveau Théâtre de Carouge, puis celui de Château Rouge à Annemasse. C’est dire combien «Le Rapport Langhoff» et ses enfants terribles (groupes, amis, comités, associations et collectifs divers) se sont attachés à porter tous ces projets, et tous ces combats.

Pour la Bâtie, les nouvelles infrastructure culturelles transformeront radicalement notre façon de travailler ensemble, de penser nos programmations et nos publics. Elles nous demanderont d’être au plus près des contenus et des propositions qui nous animent pour nourrir nos ambitions. Ces nouvelles infrastructures nous inspirent déjà et nous motivent. Appelons dès lors les collectivités publiques à soutenir le déploiement de ce qu’ils auront patiemment contribué à construire.

Claude Ratzé, directeur de La Bâtie – Festival de Genève – photographié ci-dessus par Eddy Mottaz