La réponse de notre quiz 7: “Ruy Blas” de Victor Hugo

A l’ombre de Calvin et de son Collège, le metteur en scène genevois Gérard Carrat orchestre en juillet 1974 les brigues, coups de théâtre et traquenards d’une Espagne follement catholique et hugolienne. Un bonheur épique

Juillet 1974. Cour du Collège Calvin. Seigneurs et laquais castillans, longues silhouettes noires échappées d’une toile de Vélasquez, portent haut le verbe hugolien au rythme de mélodies baroques.

Dans un contexte où les critiques s’avouent de plus en plus chatouillés par l’omniprésence des galas Karsenty-Herbert et des vedettes parisiennes à la Comédie, le talent unanimement reconnu des 22 comédiens, pour la plupart genevois, porte le souffle d’une rupture prometteuse.

Ce qui retient également l’attention ? Le décor. Une simple estrade de bois – clin d’œil aux principes que Jacques Copeau avait tenté d’inculquer au fondateur Ernest Fournier – disposée à un angle de la cour du Collège.


Et le majestueux bâtiment fait le reste. Le spectacle est partout : les galeries illuminées du 1er étage découvrent les cortèges où flamboient chapeaux à plumes et cols de dentelle, portes et escaliers protègent confidences et déclarations d’amour, porches et couloirs dérobés abritent les duels ; au 4e acte, Michel Cassagne descend du ciel, à l’aide d’une corde. Comment rêver plus merveilleux écrin à cette mise en scène inspirée des romans de cape et d’épée, s’enthousiasment public et critiques ?

La réussite visuelle est totale. Ruy Blas inaugure ainsi une série de spectacles «hors les murs » pendant la saison estivale, signe de la volonté d’ouverture que manifeste Richard Vachoux lorsqu’il prend la direction de l’institution. A l’été 1975, Giraudoux entre lui aussi au Collège. La Folle de Chaillot profite du cadre inégalable. Comme d’une distribution 100% romande – tiens, tiens – dont les interprètes féminines, Eléonore Hirt et Camille Fournier, séduisent par leurs subtilités remarquables.

L’année suivante, l’événement se produit à la Cathédrale Saint-Pierre où le drame de T.S.Eliot, Meurtre dans la cathédrale, est représenté par un casting tout aussi romand. Une affiche si alléchante. Malheureusement, mise en scène et dispositif acoustique de Dominique Lambert ne convainquent pas. La presse moque la parodie de supposés décors de miracles médiévaux, les costumes grotesques, le recours au play-back.

Cet échec ne signifie pourtant pas la fin des délocalisations. Suivant sa création mondiale à Ferney-Voltaire, dans le cadre du bicentenaire de la mort du philosophe français célébré en 1978, Candide de Voltaire, du genevois Walter Weideli, transfère ses 22 tableaux au Théâtre Antique de l’Ecole Internationale.

Louée pour son extraordinaire décor élaboré par Serge Diakonoff, la pièce n’obtiendra pas le succès escompté… à cause, notamment, d’une météo désastreuse. Cet été-là, le ciel bouda le théâtre en plein air.

Camille Bozonnet, curatrice de l’exposition “(Re)visiter la Comédie”

Photos 1 et 4:©Jo Jung
Photo 2: ©Jean-Jacques Dicker
Photo 3: ©inconnu