Eclats d’ados sur le chantier de la Comédie

Une classe du Cycle de la Gradelle à Genève a rencontré les hommes de l’ombre du futur théâtre, en vue d’un reportage pour notre blog. Notre journaliste Julie Eigenmann a assisté à la leçon survoltée qui a suivi

« L’école, il faut qu’elle soit un peu décoiffante !» s’emballe Jean-Marc Cuenet. Et pas de doute qu’elle l’est, dans la classe de ce professeur de français au Cycle d’orientation de la Gradelle, à Genève. Décoiffante d’abord parce qu’il sait transmettre son feu, tout de vert vêtu, à ses protégés. Mais aussi parce qu’il entraîne ses élèves une vingtaine (!) de fois par an au théâtre, et plus récemment parce qu’il plongé une classe de 11e année dans l’impressionnant chantier de la nouvelle Comédie de Genève, pour réaliser un travail un peu particulier.

L’idée : les élèves ont d’abord visité le chantier d’un vaisseau qui devrait carburer dès septembre 2020 au cœur du quartier de la gare de Genève-Eaux-Vives. Puis, par groupes de six, ils ont interviewé ses artisans: plâtrier, électricien, chef de chantier, chargée d’actions culturelles… Ils ont retenu les citations les plus saillantes de leurs interlocuteurs. De ce bouquet, ils feront un texte, «sous forme de liste, sur ce que sera ce nouveau théâtre et sur ce qu’il ne sera pas», explique l’enseignant. Un partenariat avec Le Temps de la Comédie, puisque ces articles prochainement seront publiés sur notre blog.

«Une école en lien direct avec le théâtre»

Une exercice qui  a tout son sens pour Jean-Marc Cuenet.  «Je vais beaucoup au théâtre avec mes élèves. Et le cycle de la Gradelle, de par son emplacement, a un lien direct avec la nouvelle Comédie. Visiter son chantier donnera envie aux élèves de s’y rendre plus tard. Et puis préparer les questions, écouter les réponses, les retranscrire, c’est une façon concrète d’apprendre».

Pas facile pourtant, confirme Jean-Marc Cuenet, de parler de la nouvelle Comédie sachant que «la plupart des élèves ne savaient même pas qu’il en existait une ancienne». L’enseignant a donc décidé de les laisser s’exprimer. Sur la base de leur visite, voilà qu’ils répondent, en classe, à ces questions : «La nouvelle Comédie, qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que ce n’est pas ? Qu’est-ce que ça sera ?  Qu’est-ce qu’on y fera ? »etc.

«Le théâtre, ça peut intéresser n’importe qui…»

Il n’y a ni juste ni faux, l’enseignant les encourage à être inventifs et sincères. Au début, manifestement impressionnés par l’immensité du chantier, ils avancent de timides: « La nouvelle Comédie, ça ne sera pas petit ». Mais très vite les langues se délient, pour proposer: «Ce ne sera pas que du théâtre», «On y verra des gens débattre», «Ce sera moderne» – une réflexion qui mène à une discussion sur l’usage des nouvelles technologie au théâtre. «Le théâtre, ça peut intéresser n’importe qui», lance un élève.

Les adolescents ont retenu la leçon : le théâtre n’est pas réservé qu’à une seule catégorie de personnes. L’appliqueront-ils en se rendant dans la nouvelle infrastructure? « Avant, j’avais une image du théâtre un peu à l’ancienne, confie Marc, 15 ans. Mais on a été habitué à s’y rendre avec l’école et on a vu que tout le monde pouvait y aller, même les gens de notre âge. Alors j’irai peut-être à la nouvelle Comédie».

«Une femme seulement sur le chantier»

Parmi les phrases que ces journalistes en herbe ont retenues de leurs interlocuteurs, on note: «Sur les deux cent cinquante personnes qui ont travaillé sur le chantier, il n’y a eu qu’une femme» ou encore «La nouvelle Comédie, c’est une promesse». Les citations fusent dans cette ambiance de classe maîtrisée mais animée.

Car l’école doit aussi permettre aux jeunes de découvrir ce qu’ils ne découvriraient peut-être pas autrement, estime Jean-Marc Cuenet. Et en matière de théâtre, l’enseignant prône l’éclectisme, «qui correspond bien aux adolescents. Je les emmène autant voir la Revue genevoise que du Shakespeare». Et, depuis peu, les échafaudages, poutres et autres poulies qui permettront aux spectacles de bientôt voir le jour.

Julie Eigenmann